Avant que les vraies phrases ne s’installent, avant que les idées ne prennent forme, il y a moi : la page silencieuse. Je ne dis rien, mais j’occupe la place, j’équilibre les marges, je remplis l’écran pour que le vide paraisse déjà ordonné.
Je suis faite de mots sans importance, de phrases tranquilles, d’un sens absent mais d’une présence utile. Mon rôle est modeste : montrer ce que sera le texte, sans en avoir la substance.
Je m’étends, comme un brouillon soigné. J’imite la respiration d’un article, la logique d’un récit, le poids d’un propos. Pourtant, je ne raconte rien. J’attends simplement que l’on m’efface, que l’on me remplace par quelque chose de vrai, de pensé, d’habité.
Mais en attendant, je fais mon travail. Je remplis, je structure, j’occupe l’espace. Et tant qu’aucun autre texte ne viendra, je resterai là — immobile, silencieuse, patiente.